se connecter

THE GYPSY MOTHS (1969)

(1) critique (0) commentaire
Manu le 24/09/2011 à 14:11
4.7
Réalisé par John Frankenheimer
Avec Burt Lancaster, Deborah Kerr, Gene Hackman, Scott Wilson, William Windom.
Film américain
Genre : Drame
Durée : 1h 46min.
Année de production : 1969
Titre français : Les Parachutistes arrivent
Musique : Elmer Bernstein

Sortie Cinéma France : 15/07/1970
Sortie DVD France : n.c.

Les notes

4.7



 Critique THE GYPSY MOTHS (1969)
Avis rédigé par Manu   |  le .   |  Note : 4.7
« [Les Parachutistes arrivent] est l’un de mes films préférés. J'ai fait environ 40 films et, avant cela, 150 dramatiques live. Et, sur plus de 190 productions, [ce film] se trouve à la seconde ou troisième place. J’aime ce film, je pense qu’il capture bien tout ce que j’ai voulu y faire passer ». C’est sur cette remarque John Frankenheimer ouvre t’il le commentaire audio proposé sur le DVD des Parachutistes arrivent, DVD sorti l’année de sa disparition. Un film qui, pourtant, ainsi qu’il le fait remarquer plus tard dans ce même commentaire, reste, pour de nombreuses raisons, un souvenir douloureux pour son auteur, marquant notamment le véritable début de sa longue traversée du désert critique des années 70 et 80.

En effet, lorsqu’il s’attaque à la réalisation des Parachutistes arrivent, John Frankenheimer se trouve déjà dans une position très fragile à Hollywood. Certes il reste encore un cinéaste qui compte au sein du paysage cinématographique américain. Mais les catastrophes financières de L’Opération diabolique et de The Extraordinary seaman, accompagnées du semi-échec critique et public de son dernier film, l’austère L’homme de Kiev, ont déjà bien terni sa réputation. Et les majors commencent à sérieusement douter du bien-fondé de la large confiance qu’elles lui avaient accordé au lendemain des succès de Sept jours en Mai et du Train. En d’autres termes, John Frankenheimer n’a plus vraiment droit à l’erreur.
Pour ne rien arranger, alors installé en Europe depuis quelques mois, il demeure encore profondément affecté par l’assassinat de son ami Robert Kennedy, en juin 1968.

C’est donc en pleines difficultés professionnelles et personnelles qu’il décide de s’attaquer à cette histoire d’amour contrarié située dans l’Amérique du Midwest, adaptation d’une nouvelle relativement obscure de James Drought publiée en 1955. L’occasion pour lui de retrouver, tout au long des trois mois d’un tournage en extérieurs, dans le Kansas, une cinquième et dernière fois Burt Lancaster, sa vedette de Sept Jours en Mai et du Le Train.

De prime abord, Les Parachutistes arrivent se présente plus ou moins comme un Grand Prix des airs, ses spectaculaires séquences de parachutisme remplaçant ici les courses automobiles de Grand Prix tout en servant de catalyseur aux différentes intrigues sentimentales du film. C’est d’ailleurs ainsi que la MGM envisage de promouvoir le film.

Comme à son habitude, John Frankenheimer va porter un soin exemplaire au réalisme des scènes les plus spectaculaires. Et plus de 1300 sauts seront ainsi réalisés pour les besoins du film, lequel demeure incontestablement, au moins jusqu’au Point Break de Kathryn Bigelow, réalisé en 1991, la référence dans le genre.

Reste qu’au final subsiste une différence notable entre Les Parachutistes arrivent et Grand Prix : celle d’une véritable complémentarité entre les scènes « d’action » et la thématique générale du film, les séquences de sauts en parachute synthétisant brillamment, sous forme allégorique, cette peur de l’avenir et de l’inconnu que la mise en scène de John Frankenheimer laisse également subtilement percer lors des scènes intimistes, « à terre », due son film.

Mélange de réflexion et d’exploits sportifs, Les Parachutistes arrivent s’inscrit donc incontestablement au cœur de cette démarche narrative propre au cinéaste, visant à toujours tenter de débusquer le sens derrière l’action plutôt que de se reposer confortablement sur le dialogue pour faire progresser l’intrigue. On avancerait donc là en terrain entièrement défriché si la forme employée pour mener à bien cet exercice ne tranchait pas nettement avec tout ce qui avait précédemment fait la réputation de son auteur. En effet, aucun excès stylistique ici, aucune expérimentation visuelle comme dans la plupart de ses travaux des années 60 : la réalisation des Parachutistes arrivent se distingue avant tout par son exemplaire sobriété, sa pudeur constante. Sans pour autant renoncer à son style grand angulaire, celle-ci fait en effet preuve d’une extrême attention envers ses personnages principaux, tous filmés au près, mais sans savant effet de style venant suggérer l’ampleur de leur malaise intérieur. Et la tension que réussit à instaurer la mise en scène tout au long du film naît finalement tout autant du danger de mort omniprésent lors des scènes de sauts que des non-dits venant constamment parasiter les relations entre les protagonistes du film. Avec, dans ce registre, quelques passages mémorables comme la première rencontre entre les trois parachutistes et les époux Brandon.

Interrogé sur le thème central de son film, John Frankenheimer déclarait y voir une réflexion sur la notion de choix : celui de vivre ou de mourir (d’où l’importance du parachutisme au centre de l’histoire, la pratique de ce sport extrême pouvant toujours s’interpréter comme une sorte de défi lancé à la vie) au sens propre comme au sens figuré (avec, dans ce registre, le dilemme auquel Elizabeth Brandon doit faire face : plonger dans l’inconnu en choisissant de vivre pleinement une vie faite de hasard ou finir de mener une existence morne, sans but, mais aussi sans peur du lendemain).

L’ensemble ne se résume cependant pas à cette seule thématique. Les Parachutistes arrivent s’inscrit également dans cette veine alors florissante de films à résonances socio-politiques décrivant plus ou moins directement l’Amérique déboussolée de la fin des années 60. Difficile, en effet, de ne pas voir dans cette histoire de sauts dans le vide une vision symbolique de la situation d’un pays alors en pleine crise d’identité, s’engouffrant dans les ténébreuses années 70 avec beaucoup plus d’interrogations que de réponses. Reste que, contrairement à ses confrères Arthur Penn ou Sam Peckinpah, John Frankenheimer se refuse à tabler sur la provocation pour nous délivrer son message. Aucune contestation ici, juste un regard foncièrement pessimiste sur une société en train de vaciller sur ses fondations, regard reflétant on s’en doute le désenchantement d’un auteur ayant vu la plupart de ses utopies politiques s’effondrer quelques mois plus tôt, avec la mort de Robert Kennedy.

Autre aspect venant enrichir considérablement l’intrigue : la peinture, d’une belle acuité, que nous brosse le cinéaste de l’Amérique profonde de son temps, premier volet d’une étude sociologique qu’il poursuivra l’année suivante avec Le Pays de la Violence, abandonnera ensuite pendant une dizaine d’années avant d’y revenir sporadiquement, généralement en filigrane de sujets privilégiant cette fois ouvertement l’action à l’étude psychologique. Et là encore, avec sa galerie de personnages plus ou moins pathétiques, terrés dans leur solitude, angoissés, voire carrément effrayés, Les Parachutistes arrivent nous livre une vision particulièrement sombre de l’univers provincial américain. On y découvre un petit monde étouffant, légèrement abrutissant, sur lequel flotte une sensation diffuse de vide existentiel et de désespoir tranquille, le tout cependant aéré d’une pointe d’ironie ici et là (la séquence au club de dames en particulier).

Enfin, dernière facette de cette œuvre d’une grande richesse thématique : sa critique du sensationnalisme, distillée à travers la description, parfois savoureuse d’ailleurs, de l’évidente soif d’émotions toujours plus fortes que semble réclamer le public des spectacles de sauts en parachute (et, par extension, le public du film lui-même) et que vont combler, à l’aide d’astuces roublardes, à l’efficacité douteuse (la présence de l’ambulance, judicieusement placée près des gradins), les trois protagonistes du film tout au long des préparatifs, puis de l’exécution de leur show. Soit un discours à peine voilé sur la situation du cinéma américain de la fin des années 60, qui venait de voir son code de censure voler en éclats et sur lequel promettait de s’abattre surenchère gratuite et racolage malsain dans le seul but de séduire à moindre frais le spectateur peu regardant. Cette thématique, impliquant également une véritable réflexion sur l’emploi de la violence au cinéma, deviendra là encore une question récurrente tout au long de l’œuvre à venir du cinéaste, avec comme points d’orgue ces deux brillants manifestes sur le sujet que seront Paiement Cash et Dead Bang.

A l’intelligence de la réalisation et la richesse du script vient en outre s’ajouter une interprétation de haute volée. Burt Lancaster, héritant d’un rôle difficile, presque ingrat, se révèle une fois de plus parfait dans le registre de l’économie de mots et d‘effets. Quant à ses acolytes Gene Hackman et Scott Wilson (dans un rôle prévu à l’origine pour John Philip Law, lequel se désista suite à une mauvaise blessure), ils signent eux aussi deux remarquables compositions, le premier en fanfaron trouillard, le second en kid observant les tourments de ses aînés avec lucidité.

Afin de traduire musicalement aussi bien la sensation d’excitation et de danger indissociable des séquences d’acrobaties aériennes que l’intensité des drames intérieurs vécus par les personnages principaux, John Frankenheimer va faire appel au compositeur Elmer Bernstein, lequel avait déjà participé, sept ans plus tôt, à un autre projet réunissant le cinéaste et l’acteur Burt Lancaster : Le Prisonnier d’Alcatraz. Une seconde collaboration qui s’avérera, aux dires du compositeur, beaucoup plus gratifiante que la première : « Les Parachutistes arrivent était le second film que je faisais avec John Frankenheimer » se souvient-il « Assez curieusement, sur le premier film, Le Prisonnier d’Alcatraz, je ne l’avais jamais rencontré. Il avait eu quelques frictions avec Burt Lancaster, et, au moment où je suis arrivé sur le film, Frankenheimer était déjà parti. Mon seul contact fut Burt ». Puis, citant en exemple sa collaboration avec John Frankenheimer sur Les Parachutistes arrivent, Elmer Bernstein ajoute : « Une chose que l’on oublie est qu’à cette époque la façon de travailler entre un réalisateur et son compositeur consistait à discuter des personnages (…) Ainsi, des réalisateurs tels que John Frankenheimer parlaient beaucoup de leurs personnages, de ce qu’ils recherchaient dans une partition musicale, de ce qu’ils souhaitaient qu’elle représente. Et l’essentiel de nos conversations sur Les Parachutistes arrivent était de cet ordre (…) Ma principale préoccupation sur Les Parachutistes arrivent fut les personnages. Je voulais que la musique accompagne les personnages et les émotions, pas seulement les séquences aériennes ».

Le film achevé, les ennuis vont commencer pour John Frankenheimer, celui-ci se heurtant une nouvelle fois à Hollywood et son écrasant conformisme. Deux aspects du film vont en effet particulièrement effrayer la Metro Goldwyn Mayer, mettant selon elle en péril les chances de succès du film. Premier soucis : le sort réservé au personnage de Mike Rettig dans le film, sort déjà peu commun en soit pour le « héros » d’un film considéré par son studio comme un divertissement d’action, et plus encore difficile à accepter sachant qu’il concerne un personnage incarné à l’écran par une star du calibre de Burt Lancaster.

Second problème de taille pour le studio, cette scène d’amour explicite entre Burt Lancaster et Deborah Kerr. Une séquence en elle-même acceptable à une époque où, justement, le code de censure offrait de toutes nouvelles perspectives dans le domaine de l’explicite, mais jugée pourtant dérangeante ici, car impliquant deux légendes hollywoodiennes d’un âge certain (le premier approchant les 60 ans, la seconde les 50), tout deux alors symbole du glamour américain à l’écran depuis leur performance dans Tant qu’il y aura des hommes et non, selon le studio, celui d’un malaise existentiel cherchant dans l’adultère un échappatoire totalement illusoire. C’est donc à contre cœur, et après avoir tout de même réussi à éliminer cette embarrassante séquence lors de l’avant première du film à New York, que la MGM se décida à conserver le montage initial de John Frankenheimer, et à tirer par la même occasion un trait sur une classification tout public du film au bénéfice d’un certificat R (pour restrited), signifiant une interdiction aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés d’un adulte.

Finalement, estimant que toutes ces audaces déstabiliseraient à coup sûr le public potentiel du film, la MGM, alors davantage préoccupée par de récentes restructurations au sein de son personnel dirigeant, prit peur et préféra limiter tout investissement promotionnel dans une œuvre promise selon elle à un échec certain. Et c’est ainsi que la nouvelle direction du studio sortit discrètement l’encombrant rejeton dans les salles le 28 août 1969, non sans avoir au préalable expliqué à John Frankenheimer que son film « ne correspondait plus au type de divertissements que souhaitait maintenant produire la compagnie » (Notons au passage que John Frankenheimer ne retravaillera plus jamais directement pour la MGM par la suite).

Les Parachutistes arrivent sortira ainsi discrètement dans les salles, le 28 août 1969. Un peu plus d’un mois auparavant, un film proposant une réflexion similaire, sur la perte de repères de l’Amérique des années Vietnam, venait de faire une entrée triomphale dans les salles obscures. Sans star, doté d’un budget des plus modestes, Easy Rider de Dennis Hopper, en préférant à l’analyse feutrée, toute en non-dits, de John Frankenheimer une approche frontale moins subtile mais à la pertinence sans doute plus facilement évidente aux yeux du public de l’époque, récolta en effet au terme de son exploitation quelques 19 millions de dollars là où le film de John Frankenheimer, malgré des critiques globalement positives, ne tarda pas, dans le même temps, à rejoindre les deux précédents films du cinéaste au rayon des échecs commerciaux sans appel.


Rechercher avec google



Recherche par nom

Titre :
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

Artiste :
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

Dernières critiques ciné





Dernières critiques livres





Derniers commentaires














Liens   |   Flux RSS   |   Page exécutée en 0.09585 secondes   |   contactez-nous   |   Nanar production © 2009